Histoire du cimetière d'Ouveillan : l'organisation du cimetière et l'architecture des tombes au XIXe et XIXe s. (3e partie)

L’enclos du cimetière, enclos sacré et béni durant l’Ancien Régime, sert au XIXe s. à "empêcher les émanations de l’air du cimetière » et surtout à "éviter que des animaux ne viennent déterrer les morts".


En 1828, le conseil municipal d’Ouveillan décide d’une "imposition extraordinaire pour subvenir au frais pour bâtir la muraille d’enceinte autour du cimetière qui vient d’être nouvellement établi... ". En effet, "la mortalité qu’a éprouvé la population de la commune pendant l’année qui vient de s’écouler a rendu le terrain (le cimetière au pied de l’église) qui avait servit jusque là à enfouir les dépouilles mortelles de ses habitants insuffisant pour fournir à ce douloureux usage".

Les années 1827-1830 sont marquées à Ouveillan par des épisodes de "fièvres" (choléra?) liées aux "émanations pestilentielles" de l'étang.

La municipalité va donc acheter les terrains du cimetière actuel et les « habitants sollicitent que ce lieu soit ceint de murailles soit pour que sa sainteté ne soit pas violée, soit pour éviter aux habitants la douleur que leur causent des souvenirs qui leur rappelle la vue de certaines places occupées par leurs parents et leurs proches, soit enfin pour que les cadavres ne soient pas exposés dans leur dernière demeure à la voracité des animaux carnivores qui ont fait il y a quelques temps un creux assez profond dans une tombe pour mettre à découvert les vêtements d’une malheureuse victime ; plusieurs passant ont été témoins de ce hideux spectacle. Le Conseil Municipal, renforcé des dix plus forts contribuables, dit que c’est un besoin impérieux et extrêmement urgent. La cure fera appel au préfet pour avoir des fonds car un nouvel impôt serait injuste pour les ouveillanais déjà bien miséreux ».

Les espaces d’inhumation
Le cimetière d’Ouveillan est de plan rectangulaire avec des allées rectilignes qui ménagent des perspectives et avec une allée centrale, qui part de la porte, plus large que les autres. Les allées délimitent des carrés ou îlots.

Dans la plupart des cimetières, comme dans celui d’Ouveillan, les concessions perpétuelles ont été aménagées le long des allées et sur les lisières des carrés ou des îlots et sur le pourtour du cimetière, contre le mur de clôture. Le centre des carrés ou des îlots délimités par les concessions accueillent les tombes en pleine terre.

Les plantations

Le cyprès, est l’arbre du cimetière par excellence dans le sud de la France, majestueux et triste, ils ont les pieds « dans l’empire des morts » et se dressent vers les cieux. 

Ils permettent de cacher le cimetière de la vue depuis la rue ; plantés souvent autour des carrés ou des îlots, ils marquent le paysage et permettent d’identifier le cimetière d’un seul coup d’œil.

Le cimetière d'Ouveillan est clairement identifiable sur les deux cartes postales ci-dessous.





Les grands types de caveaux
Le tombeau de famille est un monument funéraire pérenne qui est muni d’un caveau où l’on place les cercueils.

Deux types de caveaux existent : 

  • le caveau souterrain surmonté du tombeau et s’ouvrant par une trappe sur la façade 

  • le caveau en surélévation au dessus du sol avec des cases pour chaque cercueil, fermées par des plaques avec inscription. Cette forme d’inhumation hors-sol se rapproche des monuments funéraires très fréquents en Espagne ou en Italie.


Les monuments funéraires
Durant le XIXe s., les cimetières vont voir se construire une grande variété de tombeaux avec différents styles. L’art funéraire va prendre une très grande importance et certains de ces monuments funéraires sont des œuvres artistiques. 

Les tombeaux du XIXe s. sont destinés à montrer la richesse des familles qui les font construire. Ils reflètent la position sociale et la notoriété du défunt et de la famille.

Les monuments construits depuis le milieu du XXe siècle reflètent quand à eux la standardisation de notre époque. 

Les tombeaux à l’antique
Les premières constructions dans le cimetière d'Ouveillan, au milieu du XIXe s., s’installent le long de l’allée centrale et des allées latérales contre le mur de clôture. Beaucoup de ceux-ci reproduisent les tombeaux antiques qui bordaient les voies romaines de l’ancienne Rome (Via Appia, Flamina, Latina). Tout le décor est imprégné de la culture romaine avec frontons, acrotères, acanthe, guirlandes, flambeaux,...










Certains tombeaux avec péristyle et colonnades rappellent les trésors de Delphes ou d’Olympie. 

Trésor de Athéniens à Delphes (Grèce)



Le tombeau « à l’antique » que l'on retrouve en grand nombre dans le cimetière d'Ouveillan devient un des monuments funéraires le plus reproduit en France au XIXe s. 

La pierre de taille utilisée est un calcaire très tendre, facile à travailler, donnant de la finesse dans la construction mais avec une fragilité que nous découvrons aujourd’hui avec des tombeaux qui se dégradent considérablement. 

Dans un second temps, des tombeaux vont être construits le long des bordures de carrés ou d'îlots. Ce sont des monuments plus sobres, sans réel décor mais avec un matériau plus pérenne, le granit. Ces tombeaux comportent à leur chevet une croix imposante qui porte la plaque avec le noms des défunts.


Le modèle de chapelle néo-classique à parements nus avec quelques moulures pilastres ou flambeaux et couverture à frontons et acrotères d’angles est aussi construit durant cette même période.

Durant le XIXe s., on voit aussi apparaître des chapelles funéraires  qui surmontent le caveau familial ou intègre celui-ci dans son élévation. Ce type de chapelle apparaît dans les années 1840-1850. La façade, est couronnée par un fronton triangulaire que surmonte une croix en pierre. Sur ce fronton est inscrit le nom de la famille. La chapelle dispose de fenêtres avec des vitraux à motifs religieux.


La chapelle ci-dessous dans le cimetière d'Ouveillan s’inspire des chapelles médiévales gothiques. 


Les pierres tombales
La dalle est la plus simple des manière de fermer une sépulture. Cette dalle peut être plate, à 2 pentes avec ou sans inscription ; surmontée d’une croix au chevet sur laquelle sont parfois gravées les inscriptions. La pierre tombale peut aussi être entourée d’une balustrade de fer ou de fonte. 



La sépulture en pleine terre
La stèle, placée verticalement au chevet, marque l'emplacement de la sépulture en pleine terre. Ces stèles ont une grande diversité de formes et d'aspect. Il peut s'agir d'une simple pierre rectangulaire dressée comme d'un édicule plus richement orné avec médaillons, couronnes, éléments décoratifs ou symboliques.

Les rituels
Le cérémonial funèbre apparaît au XIXe s. où parents et amis accompagnent le défunts jusqu’à sa dernière demeure. Alors que durant l’Ancien Régime, le cortège est composé en fonction de son appartenance à des confréries professionnelles ou de piété. C’est aussi durant le XIXe s. qu’apparaissent de nouveaux rites commémoratifs comme la visite aux tombeaux ou le dépôt de fleurs. L’offrande de fleurs a une origine antique et elle se propage à partir de la Révolution. La visite au cimetière est un indice d’un nouveau culte des morts.


Fleurs et couronnes
Au XIXe s., lors des obsèques, on utilise des couronnes d’immortelles séchées qui seront remplacées la fin du XIXe par des fleurs fraiches en couronnes ou en gerbes. Des boites en zinc conçues comme des vitrines miniatures, circulaires renferment les fleurs.

Des globes de verre forment le centre des anciennes couronnes, dites couronnes à globes.

Les fleurs artificielles figurent dans les couronnes de perles à ossature métallique sur laquelle sont montées des fleurs et des feuilles en perles enfilées sur fil de fer. Cette production a durée plus d’un siècle de 1860 à 1950, d’abord faite par les femmes, cette production s’industrialisé vers 1920. Il y avait aussi des croix en perles et des composition ovales ou losange.







Certaines couronnes en céramique étaient constituées d'anneaux de céramique moulés qui imitaient les boutons d’immortelles alignés en rangs serrés parfois enrubanés.

Les fleurs sculptées les plus utilisées pour les articles funéraires : pavot, symbole du sommeil éternel, immortelle, l’églantine, la violette, la pensée très fréquentes dans la 2e moitié du XIXe s.

La rose, la marguerite, le chrysanthème apparaissent vers 1860 et s’imposent après 1900, lilas, jasmin, hortensia au XXe s. Sur les tombes se diffuse le dépôt des fleurs en pots : le chrysanthème devient l’offrande par excellence du jour des morts. On dépose aussi sur les tombes des couronnes de perles ou de céramique. Aux yeux de l’administration, un tombeau fleuri est entretenu.

Le devenir de ce patrimoine funéraire
Chaque cimetière a son âme, son caractère qui le distingue de ses voisins. C'est un tout qui confère une ambiance et une identité. Si les communes assurent l'entretien, le devenir des tombes est entre les mains des familles. Comme on peut le constater à Ouveillan, de nombreux tombeaux sont abandonnés et voués à être détruits car usés par les ans et remplacés par de nouveaux monuments.

Le patrimoine funéraire que renferme le cimetière d'Ouveillan n'est pas unique, mais force est de constater qu'il commence à tomber en ruine et va certainement disparaître dans les années à venir. 

Le travail engagé pour le recensement de l'ensemble des concessions est une véritable prise en compte de l'état sanitaire et de déshérence de certaines des concessions les plus anciennes. 

Si l'on veut conserver à notre cimetière son caractère, il faut peut-être s'interroger sur les reprises de concessions ; peut-être en tentant de faire conserver le monument architectural lorsqu'il présente un intérêt remarquable. 

"Toutefois, le maire qui est titulaire du pouvoir de police du cimetière, n'a pas le droit de réglementer l'esthétique et reste relativement démuni face aux prérogatives individuelles des titulaires des concessions funéraires dont la valorisation serait souhaitée".

A défaut, il faudrait mener une réelle étude historique d'ensemble et un vrai inventaire des tombeaux ayant un intérêt patrimonial. C'est un sujet d'étude qui pourrait être proposé à des étudiants.

Pour plus de renseignements sur les cimetières à partir du XIXe s. : Patrimoine et tombeaux, Patrimoine funéraire français. Sous la direction de Régis Bertrand et Guénola Groud, Collection Patrimoines en perspective, Editions du Patrimoine, 2016, 272 p.









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