1865
L'entrepreneur
Marty s'étant désengagé de l'entreprise de dessèchement, une
nouvelle adjudication des travaux est effective le 22 février
1865 avec un nouveau bordereau des prix.
Le 22 avril, les
résultats sont rendus publics. Le chantier est adjugé à
Jean-Baptiste Demay, entrepreneur à Sète (Cette dans le texte),
qui se plaint auprès de l'administration de la difficulté d'accéder
aux différents chantiers à cause des déblais laissés par Marty
aux abords des puits 1 et 4 ainsi qu'à la tête amont du tunnel. Un
amoncellement de moellons abandonnés au puits 4 oblige Demay à
louer tout le champ. L'adjudicataire soumet son projet le 5
juillet : il propose quelques modifications sur la rigole de
sortie du tunnel et les ouvrages d'art sous le chemin du Colombet. Il
propose également de remplacer la rigole de sortie du tunnel dans le
Fontbabouly par un aqueduc enterré de même section que le tunnel
(voûte de 0,60 m soutenue par des piédroits de 1,40 m). D'autres
modifications mineures sont encore proposées. En contrepartie, la
commune s'engage à régler à Dumay la somme de 23925,14 F et à
céder gratuitement les terrains acquis pour l'assiette des travaux,
de la sortie du tunnel à la fin de la rigole. L'entrepreneur assume
tous les risques pouvant survenir des modifications demandées.
AD11,
SW 2636 Service hydraulique. Association syndicale – dessèchements
et curages. Canaux d’écoulement de l’étang d’Ouveillan
desséché. Entretien des canaux – plan. Papier
fort, encre de Chine, rehauts de couleur, échelle : 1/2500.
Dressé par
l’ingénieur ordinaire soussigné, Narbonne, le 12 février 1879.
La
commune accepte le marché le 12 juillet. Le 22 novembre,
un rapport du conducteur des travaux souligne le bon fonctionnement
du chantier qui pourrait être achevé vers la fin de l'année et
regrette que le chantier doive s'arrêter, faute de financement,
alors que l'Etat et la commune ont déjà dépensé 45000 F et que le
Conseil général a avancé 10000 F de son côté.
Le 9 décembre
le conseil municipal se réunit pour délibérer. Il dresse le bilan
financier de l'opération dont le montant s'élève, à ce jour, à
196000 F, dont 17700 du département, 78300 de l'Etat et 100000 de la
commune. Concernant la participation de la commune, l'emprunt Fabre,
contracté en 1860, représente 45000 F tandis que la vente de biens
communaux s'élève à plus de 5854 F, soit 51858 F, "non
compris la somme de 46000 F que l'Etat et le Conseil général ont
déjà avancé à la commune comme première subvention". Sur
ces fonds, à ce jour, il ne reste que 24492,72 F auxquels il faut
ajouter 7931 F provenant d'une première vente de biens communaux.
Le
décret impérial relatif à l'assèchement de l'étang, promulgué
le 3 mars 1861, autorisait la commune à emprunter 67000 F, il reste
donc à trouver 22000 F. L'augmentation de 33000 F autorisée par
l'administration est en partie couverte par la vente de biens
communaux (14789 F). La délibération décide de lancer un emprunt
de 22000 F pour honorer le contrat tout en soulignant "la
faiblesse économique de la commune qui n'est pas prospère".
Tracé
de la galerie souterraine sur la photo aérienne (Source Google
Earth)
Tracé
de la galerie souterraine sur la carte IGN 1/25000
1866
Le 23 mai, le Conseil
municipal accepte, par délibération, de modifier le marché passé
avec Demay (remplacer le marché sur série par un marché à
forfait). Le lendemain, la commune contracte l'emprunt de
22000 F voté en décembre dernier tandis que les frères Favre
assurent le règlement de la somme prêtée à la commune. En
décembre est ouvert un crédit de 11300 F pour solde de la
subvention au dessèchement de l'étang.
1867
L'Etat ouvre sur le fonds de 1866 de
son budget extraordinaire, un crédit de 100000 F affecté à
l'opération. Le 13 février, l'ingénieur responsable du
service hydraulique fait le point sur le dossier de l'étang dans un
rapport adressé à la préfecture de l'Aude.
Il rappelle les
différentes augmentations du coût du chantier et les difficultés
de la commune pour faire face aux dépenses. Il rappelle enfin que
les travaux étant terminés, la commune n'a toujours pas trouvé les
18854 F manquants, qui résultent du différentiel entre les 33000 F
d'augmentation du coût du chantier et la vente de biens communaux
devant couvrir cette augmentation et qui n'a rapporté que 14145 F.
En avril suivant, la commune n'a pas bougé et le service
hydraulique s'en plaint auprès du préfet car il ne peut solder le
chantier. Ce n'est que le 9 octobre suivant que la commune
décide une imposition extraordinaire de 20798 F sur 9 ans, à
compter de 1868, pour le remboursement d'un emprunt de 18854 F
destiné au paiement du solde des travaux.
Le Conseil général
débloque à son tour la dernière tranche de sa subvention en août.
Demay estime qu'il a terminé les travaux mais il est quelque peu
fâché avec le conducteur de travaux, Albouy, qui défend les
intérêts de la commune. Le 3 novembre est dressé un
procès-verbal de terrain pour estimer l'indemnisation de la perte de
pieds de vigne dans la parcelle, appartenant à Ulysse Augé, où
débouche le puits 2.
Le 6 novembre, le responsable du service
hydraulique se plaint que Demay ne se conforme pas aux ordres de
service concernant les travaux de parachèvement et d'entretien des
ouvrages. Le procès-verbal de réception définitive des travaux
était prévu le 16 septembre 1867 mais le conducteur de travaux a
constaté que des gravats obstruaient certains tronçons du tunnel et
quelques puits, qu'il restait de nombreux remplissages à réaliser
aux piédroits de la voûte et aux chemises des puits. Par ailleurs,
les rigoles ne sont pas entièrement nettoyées et il existe quelques
malfaçons au ponceau de la Nazoure. Demay veut bien déblayer les
gravats mais ne se sent pas obligé de curer les rigoles des plantes
aquatiques qui les encombrent.
Un arrêté préfectoral met en
demeure Demay de réaliser les travaux le 13 novembre. En
décembre suivant, l'entrepreneur reconnaît avoir réalisé une
partie du curage du tunnel.
1868
Un procès-verbal de reconnaissance
des travaux exécutés est signé le 3 janvier puis le
procès-verbal de réception définitive des travaux est approuvé le
18 février.
L'opération
n'est cependant pas tout à fait terminée puisque l'année suivante,
en décembre 1869, on apprend que Demay demande l'autorisation
de ne couvrir que trois puits au lieu des cinq prescrits.
Selon M
Mary, maire d'Ouveillan, la couverture doit protéger les puits de
tout dépôt clandestin de la part des riverains. Quelques jours plus
tard, le service hydraulique ne parvient pas à imposer la fermeture
de tous les puits et conseille donc de fermer les puits 3, 4 et 5 et
de relever la margelle des deux autres puits de quarante cm.
Depuis
1873, le colonel Barille, propriétaire de la moitié de
l'étang, se plaint du manque d'entretien des ouvrages, la commune
n'assurant pas de surveillance.
En
juillet 1877, il porte plainte contre la commune et obtient la
mise en demeure de la commune de réaliser les travaux nécessaires.
Le maire affecte la somme de 200 F sur le budget communal pour
réaliser des travaux qui n'ont aucun résultat significatif. Le
nivellement réalisé à la demande de l'ingénieur du service montre
que l'ouverture du tunnel dans le Fontbabouly ne fait plus qu'un
mètre au lieu des deux habituels.
En
février 1879 est dressé un nouveau plan pour l'entretien des
canaux accompagné d'un rapport de l'ingénieur chargé du service
hydraulique qui récapitule la situation résultant du manque
d'entretien des canaux depuis la fin des travaux.
En
novembre 1880, le maire d'Ouveillan demande l'autorisation au
préfet de l'Aude de récupérer la plus value sur les terres
asséchées de l'étang, ce qu'il n'avait jamais fait jusque là mais
qui se justifie par le fait que la commune doit faire face à des
travaux d'équipement importants qui nécessite de nouvelles
ressources "à cette époque malheureuse où nous avons à nos
portes une maladie terrible qui menace nos vignobles et qui tend à
se propager de plus en plus dans nos contrées, il est plus que
jamais nécessaire, Monsieur le Préfet, je dirai même très urgent
de créer des ressources à une commune qui est grévée pour 30 ans
d’impositions extraordinaires considérables".
En
1882 le service hydraulique présente un nouveau plan de
curage des canaux d'écoulement à la commune en insistant sur le
fait que les ouvrages sont très obstrués, que le tunnel se trouve
en grande partie envasé et ne laisse pratiquement plus s'écouler
les eaux.
L'enquête qui s'ensuit n'ayant donné lieu à aucune
plainte, le maire considère qu'il n'y a pas lieu de donner suite au
projet, "la commune d’ailleurs se trouvant dans un état
financier ne comportant pas ce surcroît de dépense". Ce refus
est entériné par une délibération du Conseil municipal du 19
novembre 1882.
Puits
n° 2, vers l'ouest et le lotissement de la Rouquignolle
Puits
n° 3
Puits
n° 4
Puits
n° 5
Puits
n°6
Le
Fontbabouly au débouché de la galerie
Débouché
de la galerie dans le ruisseau, à droite, la cascade permettant aux
eaux du ruisseau de rejoindre la tranchée
Les documents relatifs à la mise en valeur de l'étang et conservés aux Archives départementales de l'Aude s'arrêtent là car ensuite, l'entretien des ouvrages n'est plus du ressort du service hydraulique, ou du moins, les documents n'ont peut-être pas été versés dans ce fonds. Il faudrait rechercher dans les archives communales d'autres documents concernant l'étang et également mener l'enquête pour connaître mieux les propriétaires de l'étang et voir comment a évolué la propriété foncière.
Quoiqu'il en soit, la responsabilité de la commune, et maintenant celle du Grand Narbonne, est toujours engagée puisque la station d'épuration rejette ses eaux dans le canal d'évacuation.
L'entretien du tunnel devient urgent et nécessaire dans la mesure où peu, voire pas, de travaux lui ont été consacrés depuis plus d'un siècle et que l'envasement de l'ouvrage doit être assez important.
Il convient aussi rapidement de remettre en place la grille qui fermait le tunnel en amont, vers l'étang, moins pour des problèmes de sécurité à la personne que pour éviter le risque de voir des troncs d'arbre ou autres encombrants flottants s'engouffrer dans le conduit et risquer de bloquer l'écoulement des eaux.
Le projet de mise en eau de
l'étang vers la fin du XXe siècle
Le
projet de mise en eau de l'étang, idée qui se dessinait dans les
années 1970, a été mis à l'étude par BRL, société d'économie
mixte Bas-Rhône-Languedoc, en parallèle avec la création du plan
d'eau de Jouarres. Mais il semble n'avoir jamais été réellement
poussé car les apports hydrauliques se sont avérés insuffisants. A
l'époque, BRL était alors propriétaire de l'étang. La retenue de
Jouarres avait été préférée à Ouveillan en raison de volumes
d'eau mobilisables sans commune mesure avec ce qu'offrait la solution
ouveillanaise. Les études de ce projet doivent être conservées
dans les archives de la commune et doivent donc être consultables.
En
1850 déjà, l'ingénieur hydraulique insistait sur les problèmes de
pourrissement des eaux et les fièvres qui s'ensuivaient, liées à
l'évaporation des eaux et au dégagement d'émanations dangereuses
pour la santé. La viabilité d'un quelconque projet de mise en eau
repose sur l'apport d'eau propre en grande quantité et son
renouvellement. Les ressources naturelles de la commune sont pauvres
en matière de ruisseaux car seuls le Recaudié et la Nazoure
traversent la commune et n'ont pas un débit suffisant pour alimenter
l'étang en été. La solution d'alimenter l'étang par une prise
d'eau dans le canal du Midi avait été écartée de suite en 1850 en
raison du refus des propriétaires, l'Etat. Une alimentation issue de
l'Aude et transitant par le canal d'atterrissement, la Saignée, ne
peut se faire en raison des contraintes spécifiques pesant sur
l'ouvrage. La seule solution resterait donc de prélever l'eau dans
le Cesse mais pour des raisons nombreuses, cette solution demeure
inenvisageable car la Cesse et sa nappe phréatique alimentent les
communes riveraines et Ouveillan en eau potable. L'idée de créer un
plan d'eau a pu paraître séduisante à l'époque des "Trente
Glorieuses", époque où tout semblait envisageable mais le
risque de voir l'opération se transformer en fiasco, à l'image de
la Bulle de Saint-Pierre, montre les limites d'un rêve.
Depuis,
l'étang a été classé en ZNIEFF (zone naturelle d'intérêt
écologique, faunistique et floristique) en raison de la richesse
naturelle du site. Il s'agit de la reconnaissance de l'intérêt du
site mais pas d'une protection particulière.
Dénombrement des puits de
creusement du tunnel
Une incertitude existe à ce sujet car
dans les documents d'archives consultés, les sources ne mentionnent
que 5 puits tout au long des travaux alors que sur le terrain, on en
retrouve 6. Pour le moment, aucune explication ne peut être
proposée, en dehors du fait que l'avant-projet de 1850 en dessine
bien 6... mais sur un tracé non rectiligne qui fut corrigé au
moment du lancement du chantier. Le puits 1 se situe dans une
parcelle du lotissement à l'entrée du village et il est
partiellement obstrué par un figuier. Les cinq autres sont
parfaitement identifiés sur la photo aérienne de Google Earth (voir
photo ci-dessous). L'explication est certainement simple : à
l'origine, le tunnel devait déboucher directement dans le
Fontbabouly. Pour gagner un peu de pente et s'assurer que la sortie
serait bien dégagée, Demay proposa de construire l'aqueduc en
tunnel sous le ruisseau jusqu'à son débouché actuel. On pourrait
penser que le puits 6 a été ajouté pour continuer la galerie
jusqu'au ruisseau, soit à moins de 50 m de ce dernier. Le conduit
souterrain sous le ruisseau a été bâti dans une tranchée ouverte
qui fut rebouchée.
Toujours très intéressant ! Merci !
RépondreSupprimerQuid de ce problème : En 1850 déjà, l'ingénieur hydraulique insistait sur les problèmes de pourrissement des eaux et les fièvres qui s'ensuivaient, liées à l'évaporation des eaux et au dégagement d'émanations dangereuses pour la santé... ???