Les norias et les moulins à vent d'Ouveillan


Lorsque j'étais en CM2 à l’école d’Ouveillan, notre instituteur, Julien Aussenac, nous apprenait l’histoire et les techniques en s’appuyant sur le patrimoine de notre village. Nous rédigions ensuite de petits textes sur ces sujets que nous imprimions nous même avec tout un système d’imprimerie à l’ancienne avec des caractères métalliques que nous assemblions pour créer la page.
J’ai retrouvé dans mes archives une série de ces textes dont un concerne les norias, les chadoufs et les moulins à vent. Partant de là, je suis allée à la recherche de ces éléments du patrimoine.



Le chadouf est un appareil à bascule qui sert à puiser de l'eau dans un puits ou un ruisseau. C'est l'un de plus ancien système de puisage de l'eau qui est né en Mésopotamie au IIIe millénaire avant notre ère. Pour l'instant, je n'ai pas trouvé ceux qui se situaient au bord de la Nazoure.


Les norias étaient assez nombreuses à Ouveillan, il y en avait dans les différentes campagnes comme Bailly, Pézétis ou le Gers (Fraissinet). Les enfants des écoles avaient dans les années 70 visité celle du Gers (souvenir de David Villegas!).

Le terme de noria est assez générique, il désigne tous les mécanismes servant à élever l'eau. La noria a été inventée par les maures qui ont ensuite diffusé le modèle par l'Espagne et le littoral méditerranéen.

Elles se répartissent en 2 groupes : les norias de type ascensionnel, utilisant l'énergie hydraulique pour fonctionner et les norias à puisage direct qui fonctionnent sur le principe du chapelet hydraulique (roue à aubes, roues à godets). Dans les zones sans cours d'eau ou sur les puits, des machines hydrauliques, appelées aussi norias par extension étaient utilisées pour remonter l'eau des puits. C'est ce système qui existe dans la campagne ouveillanaise et dont parle notre petit texte rédigé au CM2.

J'ai retrouvé plusieurs d'entre elles au Causse, à Agaret, à la Libarda et au bord de l'Etang de Preissan.




Les 3 premières norias sont munies d'un système de pompe à chapelet et portent une plaque avec le nom du fabricant : Formis-Bernoît, Bté SGDG, ingenieurs constructeurs de Montpellier, ainsi qu'un numéro. La noria du Causse porte le n°27, celle d'Agaret le n°25 et celle de La Libarda le n° 165.





J'ai donc cherché qui était ce Formis-Benoit. En fait, il s'agit de Benjamin Formis, inventeur et constructeur d'éoliennes au XIXe s. Il est de Lodève et a fait ses études aux Arts et Métiers de Châlon en 1836. Il a épousé la fille de Philippe Benoît (1791-1867), ingénieur militaire natif de Saint-Pons-de-Thomières. Il est co-fondateur de l’Ecole Centrale des Arts et Manufactures et a écrit de nombreux ouvrages techniques et d’inventions. 

En 1844, Benjamin Formis reprend l’atelier de son beau-père à Montpellier et le baptise Formis-Benoît. Cet atelier construit des machines pour l’industrie et l’agriculture (textile, matériel de caves, outillage des moulins à blé, à plâtre, à soufre, scieries, foulons, chemins de fer, pompage). L’entreprise employait 70 ouvriers en 1865. sans successeurs, l’entreprise est reprise en 1880 par le contremaître Jean Dupuis qui poursuit la construction de pompes à chapelets et de pompes à vin. 

Les pompes du Causse et d'Agaret sont des pompes à chapelet fixes alors que celle de la Libarda est un pompe à chapelet locomobile. Cette dernière pompe a un brevet d'invention n°144 062 du 25 juillet 1882 : "pompe à chapelet locomobile de manière à pouvoir desservir un nombre indéterminé de puits. Les lettres "Bté SGDG", montre qu'i s'agit d'un brevet "sans garantie du gouvernement". Cette mention dégageait l'Etat de toute responsabilité sur le bon fonctionnement du dispositif breveté.




Les pompes à chapelet locomobiles sont montées sur un bâti en fer à double T, porté par deux roues ; avant la mise en marche, le bâti est réuni par des étriers à coins ou à vis de serrage, avec un chassis en charpente placé au-dessus de l'orifice du puits. Dans la machine de Formis-Benoit, le tube est formé de tronçons de différentes longueurs assemblés par des brides en fonte ; dans cette machine, la chaîne est du type dit à la Vaucanson et la poulie à gorge du chapelet est remplacée par une roue étoilée. Ces pompes à chapelets métalliques étaient mûes pas un animal.








D'après "Maximilien Ringelmann, Machines employées en agriculture pour l'élévation des eaux, 1889"



La noria de l'étang de Preissan, que David Villegas m'a indiqué, est d'un type différent, et était sans doute munie de godets.




J'avais complètement oublié l'existence des moulins d'Ouveillan. Comme notre texte du CM2 indiquait qu'ils avaient été détruits, difficile de donner une quelconque information sur ceux-ci, ni une illustration. Je me suis soudain souvenue que les cartes d'Etat-Major du XIXe s.(1820-1866) figuraient les moulins...et surprise; ceux d'Ouveillan y figurent!


Cet extrait de carte est intéressant car on y voit le village encore enfermé dans ses remparts avec au sud les murs du château du Castellas sur une butte dominant l'étang,  les premières urbanisations extra-muros qui correspondent à la rue Arago et les 2 moulins au Nord du village.











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