L’adduction d’eau potable d’Ouveillan d'après les documents de 1878 et 1902 (2ème partie)

Comme nous avons pu le voir dans l'article précédent, le projet d'adduction en eau potable du village d'Ouveillan est en projet en 1876. 

Mais comme toujours, le projet doit être approuvé par les instances des Ponts et Chaussées. Un nouveau rapport de l'ingénieur ordinaire valide enfin le projet de 1876.


Ponts et Chaussées, département de l’Aude, arrondissement de Narbonne
18/07/1878
Projet de Fontaines
Rapport de l’ingénieur ordinaire

Le projet d’établissement de fontaines ci-joint a pour but d’approvisionner d’eau potable le bourg d’Ouveillan, qui, placé sur une hauteur en est presque entièrement privé dans les temps de sécheresse comme par exemple cette année.

L’eau prise à 3 km du village au moyen d’un drainage sur la rive droite du Rec Audier est tout d’abord élevée par le jeu de deux moulins à vent, agissant simultanément sur une hauteur voisine où elle est recueillie dans un bassin qui servira de réservoir d’alimentation quand il viendra à cesser ou que les machines seront en réparation. De ce point et par un simple effet de charge, l’eau est envoyée dans le village où elle devait alimenter 8 bornes fontaines et un abreuvoir d’après le projet dressé en 1876 et où elle alimentera en réalité dix bornes fontaines plus deux lavoirs d’après la modification définitivement adoptée ainsi qu’il résulte du 2e rapport du 18 mai 1877 joint au dossier.

Dans son rapport en date du 22 mars 1876 l’auteur du projet en détaille en peu de mots et très nettement les diverses dispositions et donne les motifs qui ont fait adopter ces dispositions soit comme moulins soit comme bassin de réserve soit comme distribution.
Le narbonnais est un pays tout particulièrement venteux, tant en ce qui regarde la force du vent qu’en ce qui concerne sa fréquence. Cette circonstance démontre péremptoirement que l’emploi des moulins à vent était comme naturellement commandé et beaucoup préférable à l’emploi d’une machine à vapeur dans un pays d’ailleurs éloigné de tout centre industriel. Nous devons d’ailleurs ajouter que ce système d’alimentation de centres de population à l’aide der moulins à vent fonctionne dans plusieurs localités d’une manière satisfaisante. Mais comme le vent cesse parfois, quoique pendant de courtes durées, la création d’un bassin de réserve se trouve suffisamment justifiée par ce seul chef, auquel se joint la nécessité de prévoir les réparations qu’il pourra y avoir lieu de faire aux machines élévatoires.

Le système adopté pour le moulin est celui du sieur Alba de Montréal susceptible de donner une hauteur de 30 à 40 mètres (elle est dans l’espèce de 35,80 m), un débit de 86 à 130 mètres cubes par jour, suivant que le vent est ordinaire ou fort. La voilure sera disposée d’après le système de Monsieur l’ingénieur Dellon qui permet aux voiles de se régler elles mêmes suivant la force du vent, de manière à éviter toute avarie que pourrait produire un accroissement dangereux de la force du vent.

L’auteur du projet établi deux moulins afin d’obtenir ainsi par bon vent un débit de 288 mètres cubes par jour soit 160 litres par habitant, la population d’Ouveillan étant de 1800 âmes. Ce débit en vent ordinaire sera réduit à 96 litres et quand le vent cessera, le réservoir d’alimentation d’une contenance de 600 mètres cubes donnera 55 litres par jour et par habitants pendant 6 jours.

Comme on le voit, dans tous les cas, le bourg d’Ouveillan sera suffisamment pourvu d’eau pour les besoins domestiques de toute nature quand les moulins ne fonctionneront pas et de plus pour ceux de la voie publique, quand il grènera un bon vent. Ouveillan sera aussi bien partagé en temps de pénurie que la ville d’Edimboug et en temps ordinaire, il recevra par habitant autant d’eau que la ville de Londres.

L’auteur du projet emploie pour la canalisation des tuyaux en fonte de 0,10 m de diamètre pour la branche mère et de 8,6 et 4 centimètres de diamètres suivant les branchements. Nous avons fait sur ces tuyaux au moyens des sables de Prouy les vérifications nécessaires et nous avons reconnu que ces diamètres sont suffisants et correspondant bien aux débits annoncés sur le profil en long des différentes parties de la conduite.

Les ventouses et les vidanges ont été ménagées à propos sur tous les points éminents ou bas sur lesquels n’existent pas de bornes fontaine. Le bassin de réserve nous a paru bien conçu. Etabli sur le flanc d’un coteau rocheux et en déblai, afin d’y trouver les moellons nécessaires aux maçonneries, il est disposé de façon à ce que la couverture soit isolée des murs du pourtour afin qu’elle ne puisse en aucun cas buter contrer eux et les ébranler. : le mur d’arrière seul supportera cet effort, ce qui n’offre point de danger parce qu’il n’est qu’un simple revêtement du talus rocheux.

La distribution dans le village des bornes fontaines prévues au projet se trouve modifiée ainsi qu’il est dit dans le 2e rapport du 22 mai 1877. cette nouvelle distribution nous a paru embrasser les intérêts et bien desservir chaque quartier. En outre 4 abreuvoirs seront établis à 4 bornes situées sur le pourtour du village et deux lavoirs seront créés, l’un au nord, l’autre au sud.

La fontaine n°4 du projet primitif était placée au dessus du niveau piézométrique correspondant à son emplacement et au fonctionnement simultané des autres bornes. On aurait été obligé pour éviter cet inconvénient de remonter de 5 mètres au moins le grand réservoir et par la suite de rendre plus difficile le mouvement des moulins. Elle n’aurait donc fourni de l’eau telle qu’elle était projetée que par intermittence, sans qu’on eut pu savoir le moment favorable où l’on pourrait compter sur elle. Cette borne fontaine a été supprimée et remplacée dans la modification du projet primitif par une réservoir de trop plein destiné à recevoir et à emmagasiner l’eau à tous les instants de la journée où elle aura assez de force d’impulsion pour s’élever au niveau du réservoir. Cette modification nous paraît excellente pour éviter le double inconvénient qu’aurait présenté l’inconstance du jet de la borne n°4 bis et l’incertitude des moments de son fonctionnement.

En résumé nous pensons qu’il y a lieu d’approuver le projet des bornes fontaines dressé par Mr Bouffet.

Narbonne 17 juillet 1878
L’ingenieur ordinaire
vu et adopté
Carcassonne le 18 juillet 1878
l’ingénieur en chef  



L'avis favorable rendu sur le projet laisse penser que l'installation du système de pompage a dû se faire dans les années qui ont suivi, même si je n'ai pour l'instant retrouvé aucun document d'exécution.

En 1902, le système de pompage de l'eau potable va être amélioré avec l'arrivée de pompes élévatoires locomobiles (à vapeur). 

Un marché de gré à gré est passé en mars 1902 par la mairie d'Ouveillan à Messieurs Savit Boutet et Cie pour l'installation de ces pompes.


Marché de gré à gré

Entre Monsieur Rallion Alfred, maire de la commune d’Ouveillan (Aude), en vertu d’une délibération du CM du 29 mars 1902 et messieurs Savit Boutet et Cie, ingénieurs constructeurs à Toulouse, 10 boulevard de la Gare

Ils passent le traité suivant :

Messieurs Savit Boutet et Cie se chargent de fournir et d’installer deux pompes à pistons plongeur système Girard de 150 mm de diamètre et 400 mm de course, capables d’élever ensemble 15 litres d’eau par seconde à 42,30 m de hauteur totale pertes de charge comprise moyennant la somme de 13620 francs.

L’ensemble de la fourniture comprendra deux pompes, la transmission nécessaire pour les actionner, le tuyautage d’aspiration et les tuyautages divers jusqu’à la sortie du bâtiment ainsi que le réservoir d’air, la robinetterie, le transfert et le montage est garantie pendant 1 an de bon fonctionnement et de toute avarie pouvant provenir d’un vice de matière ou de construction et les constructeurs s’engagent à remplacer pendant ce temps toute pièce reconnue défectueuse dans le délai moral le plus court sans aucun dommage et sans que cette garantie puisse s’appliquer à des accidents qui ne proviendraient pas d’un vice de matière ou de construction.

Messieurs Savit Boutet et Cie s’engagent à commencer les travaux dès qu’ils auront reçu l’ordre de Mr le maire d’Ouveillan et à les avoir terminés cinq mois après la réception dudit ordre sous peine d’une amende fixée à 10 francs par jour de retard.

Tous les frais de transports jusqu’à pied d’oeuvre, de montage sauf les scellements, ainsi que les frais de voyage, nourriture, déplacement des ouvriers restent à la charge de Messieurs Savit Boutet et Cie sans que la commune ait à y participer en quoi que cesoit, soit qu’ils s’appliquent à la première installation ou qu’ils le rapportent à des dépenses postérieures de réparation comprises dans la garantie ci-dessus.

Les frais d’entretien sont à la charge de la commune tout comme la surveillance courante nécessaire au graissage et autres frais.

Les paiements auront lieu comme suit :
Trois dixièmes lorsque les constructeurs justifieront de la construction des principales pièces dans leurs ateliers,
Trois dixièmes lorsque les fournitures seront rendues à pied d’oeuvre
Trois dixièmes à la réception provisoire qui aura lieu aussitôt le montage effectué
Un dixième à l’expiration de l’année de garantie

Signé le 29 mars 1902 par le maire et messieurs Savit Boutet et Cie
Contre-signé par le préfet de l’Aude le 25 juin 1902

Les archives départementales de l'Aude conservent des plans du bâtiment abritant les pompes élévatoires. Le bâtiment existe encore, il se situe à Sallèles d'Aude au bord du chemin de Sallèles à l'étang.






Des plans techniques représentent les pompes élévatoires à piston. Sur un de ces plans sont encore figurés les deux moulins à vents que les pompes à pistons viennent remplacer en 1902.











Commentaires