Les crues de l'Aude et de la Cesse : les inondations du 18 septembre 1843, des "désastres épouvantables"
En ce début d'automne, nous avons tous la crainte de voir s'abattre sur nos villages audois, les trombes d'eau qui entraînent immanquable des inondations, dont certaines mémorables et meurtrières.
La crue de 1340 est sans doute l'une des plus importante en volume. C'est elle qui va dévier l'Aude de son embouchure du côté de Narbonne, pour l'envoyer vers le bras secondaire du delta de l'époque qui allait vers Coursan. A compter de cette date, seul le cours de l'Aude vers Coursan sera actif.
En 1755, 1856, 1858, 1872, 1875, 1880, 1907, la plaine narbonnaise est inondée…
La crue de 1340 est sans doute l'une des plus importante en volume. C'est elle qui va dévier l'Aude de son embouchure du côté de Narbonne, pour l'envoyer vers le bras secondaire du delta de l'époque qui allait vers Coursan. A compter de cette date, seul le cours de l'Aude vers Coursan sera actif.
En 1755, 1856, 1858, 1872, 1875, 1880, 1907, la plaine narbonnaise est inondée…
Les journaux se font l'écho de celles-ci depuis le milieu du XIXe siècle : 1843, 1875, 1890, 1930, 1932, 1940, 1942....................1999, 2018...
Je vous propose donc dans cet article de vous relater, en prenant appui sur les articles de presse, les inondations de 1843 qui ont touché le narbonnais. Suite aux pluies des 16, 17 et 18 septembre 1843, les inondations frappent durement le narbonnais.
"Un désastre épouvantable frappe nos contrées. Depuis la fin septembre, de grandes pluies n’ont pas discontinué. Narbonne est entourée d’une vaste mer.
Toutes les communes environnantes sont dans la désolation l’eau a tout envahi ; les pertes sont immenses. A chaque instant, l’eau enlève des troupeaux, des arbres, des maisons. On vient de ramener sur les bords de la Robine une armoire à glace contenant du linge, des bijoux et quantité d’effets précieux ; elle a été déposée à la mairie, où elle sera probablement réclamée.
Toutes les communes environnantes sont dans la désolation l’eau a tout envahi ; les pertes sont immenses. A chaque instant, l’eau enlève des troupeaux, des arbres, des maisons. On vient de ramener sur les bords de la Robine une armoire à glace contenant du linge, des bijoux et quantité d’effets précieux ; elle a été déposée à la mairie, où elle sera probablement réclamée.
Rien
ne résiste à la force de l’inondation. Les moindres ruisseaux
sont des torrents, et hier nous avons vu passer plusieurs
cadavres parmi lesquels une jeune femme serrant encore dans ses bras
le corps inanimé de son enfant étouffé sans doute dans une
étreinte convulsive. A Coursan, l’eau arriva au premier étage, et
la crue devenait si forte que samedi, dans la nuit, on a sonné le
tocsin d’alarme ; les habitants des communes voisines sont
arrivés dans des nacelles, et l’ingénieur s’est rendu lui-même
sur les lieux, et après avoir enfoncer les portes des maisons, on en
a retiré plusieurs personnes déjà presque morte de frayeur.
A
Bize, quatorze maisons sont englouties ; à Sallèles, on en
compte dix ou douze. La route de Villedogne (Villedaigne) a été
emporté ; les eaux de l’Orbieu se sont élevées à une
hauteur effrayante ; le pont construit sous l’habile direction
de M. Desplace, a seul résisté.
A Canet, l’eau a tout envahi, c’est à peine si on aperçoit les pignons des maisons les plus élevées.Les caves qui contenaient la récolte de plusieurs années ont été submergées si violemment que les tonneaux s’entrechoquaient et se sont brisés, et l’on ne voyait alors qu’une immense quantité de vin, seule ressource d’un pays que ce désastre ruine complètement.
A
Orvaisons (Ornaisons), plus de vingt maisons se sont écroulées. Les
communications n’ont lieu qu’en bateau ; plusieurs
négociants de Narbonne viennent d’ouvrir une souscription
spontanément pour envoyer des vivres aux habitants des campagnes
inondées.Cette
inondation dépasse de 75 centimètres celle de 1772, qui a laissé
parmi nous de si funestes souvenirs. Le courrier de Paris n’est pas
arrivé depuis deux jours, celui d’Espagne manque tout à fait.
Nous n’avons aucune communication avec l’Hérault ; car
l’eau passe sur le pont de Béziers, et on n’a trouvé personne
qui voulût se hasarder à porter les dépêches sur une nacelle.Des
nouvelles reçues des départements de l’Aude et des
Pyrénées-Orientales font un tableau effrayant des inondations qui
ont eu lieu par suite de ces grandes pluies.
Dans
l’Aude, la plaine de Coursan a été inondée. A la Cesse, quinze
maisons ont été renversées et quinze personnes ont péri.
La
magnifique terre de Truilhas a souffert un dommage irréparable; la
Cesse l’a couverte de plus d’un pan de son gravier; le jardin qui
était sans contredit le plus beau de la contrée, n’est plus
qu’une ruine. Trois mille pieds d’oliviers, dont chacun donnait
sa mesure d’huile, ont été arrachés et emportés, ainsi que la
riche orangerie.
L’administration
du canal a beaucoup souffert pour sa part des suites de ce
débordement sans exemple. On a craint pour le pont d’Ognon, qui a
été endommagé. Entre Paraza et Ventenac, le petit ruisseau de
Jonquière s’est tellement accru qu’il a presque entièrement
comblé le lit du canal du gravier qu’il entrainait. Sur d’autres
points de la même retenue, d’immenses excavations ont été
creusées par les eaux des petits torrents de la localité ; le
pont-aqueduc de Reprude a été troué en plusieurs endroits et le
canal mis à sec. En face de Ventenac, le canal a été comblé par
les décombres d’un mur entier.
A
Peyriac, les murs du cimetière ont été emportés ; les
tombeaux ont été ouverts et les ossement dispersés. On n’a pu
découvrir deux cercueils contenant deux cadavres inhumés depuis
peu. Vingt-cinq ou trente comportes ont été remplies d’ossements
humains qu’on a déposés dans une chapelle, pour les replacer plus
tard en terre sainte.
... A
Peyriac, où, comme nous l’avons dit, les eaux ont bouleversé le
cimetière, il a fallu plusieurs jours pour recueillir et rendre à
la terre ces tristes débris.
Marseillette
est de nouveau un étang, et dans les parties basses les bâtisses
sont inondées. Plus loin, la rivière l’Orbieu, après avoir
ravagée le territoire de Lagrasse, se joignit à l’Aussieu pour
renverser, près d’Ornaisons, deux maisons situées sur la grande
route. Les débris charriés jusqu’au pont de Villedaigne y avaient
arrêté les eaux qui se sont frayés un passage sur le côté, en
emportant 400 mètres environ de chemin fermant l’avenue du côté
de Narbonne.
Un
petit ruisseau, le Rec la Fumade, qui coule sous les murs de
Lézignan, menaçait d’engloutir plusieurs maisons qu’il a fallu
étançonner.
La
catastrophe de Bise n’est malheureusement que trop vraie; ce n’est
pas le village proprement dit qui a été envahi par le débordement
de la Cesse, de ce côté le lit est profond; mais sur la rive
opposée, à l’endroit où se tient la foire, l’eau peut
s’étendre sans obstacles, et c’est là que plusieurs maisons
nouvellement bâties, dont quelques-unes inachevées ont été rasé
de fond en combes, des familles entières y ont péri surprises par
le torrent. Nous ne parlons pas du pont en fil de fer détruit, des
troupeaux de bêtes à laine et des bestiaux submergés.
A
Sallèles, les habitants après avoir tenté tout ce qu’il était
humainement possible de faire pour consolider les digues d’enceinte
et les préserver d’une destruction qui pouvait entraîner celle
d’une grande partie de leurs habitations, convaincus de leur
impuissance, laissèrent le champ libre au fléau et se précipitèrent
dans l’église pour implorer la Providence ; mais le fleuve
eut bientôt rompu les digues et submergé le village. Vingt maisons
détruites jusqu’aux fondements, un plus grand nombre ébranlées
et menaçant ruine, de grandes mares d’eau, des monceaux de boue :
voilà les traces qu’à laissées le passage du torrent.
Cuxac
était menacé du même sort, mais ici l’homme fut plus fort que
l’eau. Dirigés par un ingénieur aussi habile qu’intrépide. M.
Pamérou, tous les bras du pays s’employèrent et parvinrent à
paralyser les efforts des vagues et à les maintenir dans leur lit
jusqu’à ce qu’elles eussent retrouvé à se répandre par la
rive opposée.
De
Cuxac à Coursan, la rivière s’est frayé un passage sur les deux
bords par cinq brèches énormes, et a changé en un lac immense la
plaine de Coursan. Du haut du pont de ce village, on pouvait voir
passer au milieu des flots, des meubles, des charrettes, des
bestiaux, et, chose épouvantable, des hommes, des femmes, des
enfants entraînés sans espoir vers la mer.
Les
plaines de Salles et de Fleury ont été aussi dévastées.
Il
est rare qu’au récit de ces terribles catastrophes, on ne puisse
ajouter de quelque noble dévouement qui soulage un peu le cœur de
l’aspect de tant de misères.
A
Peyriac, ce sont des gendarmes qui exposent courageusement leur vie,
au milieu de la nuit, pour sauver celles des habitants.
A
Cuxac, c’est M. Paméron que nous avons déjà nommé, ce sont tous
les travailleurs qui restent sur les digues aux endroits les plus
périlleux ; c’est surtout le digne curé qui, dans une
nacelle, au milieu du torrent, à, par ses soins empressés, rendu
plusieurs personnes à la vie. Un chien de Terre-Neuve a rendu de
grands services. On l’a vu se jeter à la nage, et dix-sept fois de
suite ramener des femmes et des enfants que les flots entraînaient."
Ces informations proviennent d'une gravure conservée à la Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, RESERVE QB-201 (168)-FOL.
Le niveau de cette crue de 18 septembre 1843 est marquée sur le Pont-Canal de Cesse.
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