Au
cours de l'Ancien Régime, plusieurs confréries de Pénitents ont
existé dans l'Aude : pénitents blanc, bleu, noir et gris.
Ces
confréries qui naissent en Italie au 12e siècle et se développent
tout au long des 13e et 14e siècles sont des groupes de laïcs
réunis dans un même souci de spiritualité. En France la première
compagnie de pénitents gris apparaît en Avignon en 1268 à Avignon.
A Perpignan la confrérie de la Sanch est fondée en 1416. Toutefois, le développement s'arrête au 15e s. pour reprendre durant la
seconde moitié du 16e s. à la faveur des conflits religieux. Les pénitents se donnent alors l'image
d'une milice catholique fortement anti-protestante.
Dans
l'Aude, les confréries se développent à partir de 1588. 16
confréries apparaissent dans l’Aude entre 1596 et 1620 :
confréries à Narbonne, Carcassonne, Limoux, Castelnaudary et dans
les gros villages comme à Montréal en 1602 , à Ouveillan en
1612, et à Le Mas-Carbardès 1614.
La procession des Pénitents Blancs d'après une ravure satirique de 1583
Vers
1650, il y a dans l'Aude, 44 compagnies. Les confréries de Pénitents
blancs sont les plus nombreuses (21), 11 confréries de Pénitents
bleus, 10 confréries de Pénitents Noirs 10 et 2 de Pénitents Gris.
La
confrérie est un groupe auquel l'individu adhère de manière
spontanée, ce qui a un côté un peu marginal et indépendant, chose
qui n'est pas du goût de la hiérarchie de l’Église qui va
vouloir les réglementer avec la mise en place de statuts qui
régissent l'organisation de la confrérie.
Parfois
c'est l'évêque ou l'archevêque qui donne son règlement à la
compagnie récemment créée, comme à Ouveillan en 1612 où la
compagnie des Pénitents Blancs obtient de Louis de Vervins,
archevêque de Narbonne, l'autorisation de s'ériger en confrérie.
Les
Pénitents veulent régénérer par des exemples édifiants la
piété des foules.L'habit
est le premier signe distinctif du Pénitent. Il est vêtu d'une
sorte de longue aube blanche, noire, bleu ou grise, selon la
confrérie auquel il appartient, avec cordelière comme ceinture. Sur
la tête, il porte une cagoule pointue, qui masque le visage, avec 2
trous pour les yeux, ce qui permet l'anonymat des confrères.
Les
cérémonies se déroulent selon un calendrier liturgique bien
établi : messes, prêches, vêpres, processions...
Chaque
pénitent doit être un modèle de vie chrétienne et avoir un
comportement irréprochable. Il doit réciter des prières
tous les jours mais aussi parfois l'auto-flagellation mais cette
pratique disparaît fin XVIe s. Le confrère doit pratiquer la
charité...mais elle s'oriente surtout vers les autres confrères
malades ou pauvres. Lors du décès la confrérie participe au
cérémonial des obsèques avec une procession jusqu'au lieu de
sépulture.
En
dehors des offices, les pénitents se réunissent en assemblée
à laquelle ils sont appelés par la cloche de la chapelle ou par des
convocations écrites. On y traite des affaires quotidiennes de la
confrérie.
L'accroissement
du nombre d'adhérents est le souci permanent des compagnies
pénitentes. Une confrérie puissante doit être nombreuse mais les
conditions d'admission sont strictes. Les confréries regroupent
toutes les catégories sociales et les femmes y sont admises.
Les
confréries disposent de chapelles et font des processions dans les
villes et les villages.
La
chapelle est le souci principal de la confrérie. Bien souvent la
première chapelle est un bâtiment privé, une
chapelle de couvent, une ancienne église désaffectée ou même la
chapelle latérale de l’église paroissiale. Mais
cela ne va pas sans poser des problèmes, ce qui conduit les
confréries à se construire une chapelle ou église bien à eux. A
partir du XVIIIe s., on assiste à une multiplication des chapelles
de Pénitents.
Le
plan est simple : une nef rectangulaire avec chœur plus ou
moins semi-circulaire et un autel majeur.. Le chœur est séparé de
la nef par quelques marches et une rambarde. Une tribune domine la
porte d'entrée.
Les
processions sont la manifestation la plus spectaculaire des
confréries de Pénitents. Les confrères
en habits, encapuchonnés, tenant des cierges ou des torches,
défilent en rangs serrés rythmées par des psalmodies et des
roulements de tambours. Ces processions marquent les esprits.
Le
déclin des confréries a lieu dans la seconde moitié du 18e s. C'est la Révolution Française qui va les faire disparaître avec le décret du 18 août 1792 qui dissout les congrégations
religieuses. Les confrères se dispersent et les chapelles sont
vendues comme Bien National.
Les
confréries sont un trait marquant du catholicisme et de la
sociabilité méridionale. Elles ont occupé une place importante dans
la vie religieuse de notre département.
A
Ouveillan, avant 1612 existait la Confrérie de Notre-Dame du
Rosaire. La confrérie des Pénitents Blancs d'Ouveillan est fondée
le 2 juillet 1612 par une trentaine d’habitants qui demandent à
l’archevêque de Narbonne Monseigneur Vervins, l'autorisation
d'instituer une compagnie de Pénitents Blancs en se regroupant avec
celle du Rosaire. Ils s'engagent à faire bâtir une église qu'ils
dédieront à L'annonciation de Notre-Dame et à verser la somme
minimale de 30 livres tournois chacun pour la faire bâtir. Cette
somme est payable en trois termes, en janvier 1613, le jour de la
fête de Sainte-Madeleine (22 juillet) et en janvier 1614.
Le
6 août 1612, l'archevêque de Narbonne Monseigneur Vervins donne
son accord mais demande à ce que l'église soit bâtie dans un
délai de 3 ans et qu'une rente perpétuelle soit affectée à son
entretien.
Dans l'attente de la construction de l'église,
l'archevêque les autorise à se réunir dans une chapelle dédié à
Notre-Dame qui se trouve à la tribune de l'église paroissiale
d'Ouveillan. Ils pourront y dire leurs offices et faire leurs
dévotions.
Le
15 septembre 1612, il ratifie le règlement et les statuts de la
confrérie mais rappelle aux Pénitents que leur qualité de
pénitents ne les exempte pas des droits de dîme.
La
construction de l’église est finalement achevée en 1623 et se
situait à l'emplacement actuel de la boucherie Coulouma.
AD 11, 3J303, compoix.
Plan du village avec mention manuscrite : « 1669 Carte du compoix
d’Ouveillan
y sont appliqués les articles relevant du fief du roy.
La
bénédiction a lieu le 24 décembre 1624 avec une grande cérémonie, en présence de nombreux personnages du monde religieux local et avec une procession. Il
semble que la confrérie disparaisse vers 1700 pour être restaurée
en 1771 à l'initiative d'habitants.
Finalement
l'église des Pénitents Blancs d'Ouveillan ne sera désaffectée par les Pénitents qu'à la
Révolution Française. Les réunions générales des citoyens s'y
tiennent et on y élit les officiers de la garde nationale le 27
avril 1793.
Un
inventaire des biens de l’église est fait le 27 octobre 1792.
Elle
contenait :
« 1-un
autel en pierre avec un tapis sur le devant en toile cirée hors
d'usage,
2-
un tapis indiene pour couvrir l'autel doublé de toile grise hors
d'usage et une nappe en trelis blanc pour couvrir le dessus de
l'autel hors d'usage, le tableau détaché de l'autel qui a environ
12 pans carré,
3-une
chère à prêcher avec son couvert en bois peint,
4-
un porte-lampe en fer, un bénitier en marbre, eux rideaux d'indiene
attaché à la muraille avec 2 pitons et une petite barrette,
5-
une bière ou lit pour porter les morts en bois, un confessionnal,
quatre falaux garnis de fer blancs, un lutrain en bois, hors d'usage,
2 armoires en bois dans la sacristie hors d'usage, sans clefs avec
leurs serrures ouverts et les portes d'entrée de de la sacristie
étant tirées de leur place avec une serrure sans clefs, deux
catalogues garnis en bois hors d'usage,
6-
un chandelier triangulaire, un autre petit armoire dans le mur de la
sacristie sans clefs,
7-une
cloche à sonner les offices avec sa corde pendante dans la
sacristie, avoir trouvé dans le petit armoire une clef attachée
avec un ruban rouge, et une boëtte en fer blanc avec quinze deniers
dedans ».
Malgré
la Révolution Française, la confrérie existe toujours le 11 nivôse
An 8 (1er janvier 1800).
Les
citoyens Berlan, Joseph Malardeau, Malardeau père, Gallinié, reul
fils, Guiraud, Palliès, Pous, Calcat, Pierre Vernet, J. pous,
Jaubert, Jean Galinier, Palliès , Pierre Montricourt, Sabatye,
Jospeh Pous, Baptiste Fabre,Teulié, Guilh, Rieux, Jean Charles, Jean
Pous, père de Joseph, Joseph Marcouire,Joseph Albouy, Bartes,
Lacombe fils, Berlan, se réunissent dans l'église Saint-Jean
l’Évangéliste qui avait été « le saint lieu ordinaire de
leurs dévotions et offices depuis le commencement de l'ère
républicaine » et font le renouvellement de leur vœux de
confrérie.
Ils
s’engagent à verser 20 francs pour faire rebâtir et réédifier
une chapelle. Qu'est devenue celle de "la rue Luquet" ? Vendue
comme Bien National ?
Toujours
est-il que le 23 novembre 1817, devant le notaire de Sallèles Malaterre, la commune d'Ouveillan vend moyennant la somme de 200 fr
un terrain de 533 m², sis au lieu-dit : Escandebec, près du
portail d'Entreille aux Pénitents d'Ouveillan.
Etienne
Reul, J.P. Cals et J.-G. Barlabé sont chargés au nom des Pénitents
de faire édifier la chapelle sur cet emplacement, d'en surveiller
la construction et de faire l'acquisition des ornements nécessaire.
J.-B. Berlan cadet aura la direction des fonds.
C'est la chapelle qui figure sur les cartes postales anciennes d'Ouveillan. Sa démolition aura lieu en 1910....(la suite dans un article à venir)
Pour plus d'information :
* Claude-Marie
Robion, Les conféries de pénitents dans les pays d'Aude XVIe s.-XVIIe
s., Buleltin de la Société d'Etudes Scientifiques de l'Aude, Tome
LXXXVI, 1986, p. 55-63
* Claude-Marie
Robion, A l'épreuve de la Révolution : confréries et
pénitents en pays d'Aude (XVIIIe-XIXe siècles), Actes
du colloque de Marseille (18-19 mai 1988), Provence Historique,
fascicule 156, 1989, p.285-300
* Almanach
d'Ouveillan, 1909
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