Ouveillan à la pointe du progrès....en 1898 : l'installation de l'éclairage public et privé à l'acétylène


En me remémorant mon année de CM2 à l'école primaire d'Ouveillan, m'est revenu à l'esprit un cours d'histoire et de chimie que Monsieur Aussenac (instituteur, directeur de l'école et maire) nous avait dispensé. A cette époque, nous rédigions de petits textes sur différents sujets, que nous imprimions nous même, mais je n'ai pas retrouvé celui que nous avions fait sur l'acétylène.

Je profite de cet article pour évoquer Julien Aussenac, l'instituteur de CM2 de beaucoup de générations d'ouveillanais. Il nous a appris l'histoire médiévale en "live", en nous emmenant voir le village, l'église, les remparts, Fontcalvy. Ils nous parlait des découvertes de Madame Bouisset et nous avait emmené en 1972 voir les fouilles qu'elle faisait du cimetière wisigothique au Mouret découvert lors du défonçage d'une vigne...Un instituteur passionné par son métier et passionnant pour ses élèves. C'est dans sa classe qu'est née ma passion pour l'archéologie et le patrimoine, passion qui est devenue mon métier depuis mes 20 ans! Il a aussi été le maire qui m'a donné l'opportunité de réaliser la première fouille archéologique à Fontcalvy en tant que titulaire d'une autorisation de fouille délivrée par le Ministère de la Culture. 
Les articles dans ce blog sont une manière de transmettre, à mon tour, la passion qu'il m'a communiquée et dont je lui serais éternellement reconnaissante. Un grand merci à lui!
Après ce  paragraphe nostalgie, repartons à notre sujet!

Il nous racontait donc qu'Ouveillan avait été dans les premiers villages de France a bénéficier d'un éclairage public à l'acétylène ; un grand progrès pour le village à l'extrême fin du XIXe s.




J'ai donc recherché dans les archives, notamment les archives nationales, des documents concernant ce fameux progrès pour notre village. Et à y regarder de plus près, il est vrai que nous avons été un des premiers villages de France à bénéficier de cette innovation.

Le nom « acétylène » (C2H2) provient du latin «acetum» : vinaigre. L'acétylène a été découvert en 1836 par un savant britannique, Edmund Davy (1785-1857), à partir du carbure de potassium. En 1861, le chimiste allemand Friedrich Wöhler (1800-1882) obtint du carbure de calcium en chauffant au rouge blanc un mélange de chaux, de zinc et de carbone. Comme Edmund Davy avec le carbure de potassium, il découvrit que le corps obtenu était décomposé par l'eau en dégageant de l'acétylène.

La première étude exhaustive sur ce gaz fut réalisée en 1863 par le savant français Marcelin Berthelot (1827-1907). En 1894, le chimiste français Henri Moissan (1852-1907) – prix Nobel de chimie en 1906 – mit au point une méthode simple et peu onéreuse de fabrication du carbure de calcium.

Son utilisation ne s'est généralisée qu'au début du XXesiècle. Son emploi a contribué au développement de l'industrie. L'acétylène est une source d'éclairage simple d'utilisation et peu chère qui va remplacer petit à petit l'huile et le pétrole.

Les lampes à acétylène servaient à l'éclairage des bicyclettes, des véhicules hippomobiles et des automobiles, des motocyclettes et des trains mais aussi sur les chantiers, dans les carrières souterraines, les mines et dans les champignonnières. Très vite concurrencé par l'électricité, l'acétylène perdura jusqu'au début de la deuxième moitié du XXe siècle. Il était utilisé par les spéléologues jusqu'à très récemment mais aujourd'hui remplacé par les lampes à leds.

C'est donc à l'extrême fin du XIXe s. et surtout au début du XXe s. que son utilisation va se développer pour l'éclairage public. Ainsi le village d'Ouveillan fait figure de précurseur puisque l'éclairage public à l’acétylène va être inauguré en 1898.

Le journal la "Science Française" du 7 octobre 1898, comporte à la page 143 un article sur l'éclairage de la ville d'Ouveillan.
« Nous recevons de M. le Maire d'Ouveillan une lettre qui nous annonce que les travaux de canalisation et d'installation des appareils allant être terminés sous peu, on va procéder à l'inauguration de l'éclairage. A ce sujet, voici les quelques détails que M. le maire veut bien nous communiquer :« L'usine est établie à 150 m environ de la commune, elle contiendra les appareils de fabrication, d'épuration et de distribution. A côté des bâtiments se trouvent deux gazomètres d'une contenance de 42 mètres cubes, pour les besoins de l'éclairage public et particulier. La ville aura soixante becs d'éclairage public, chaque bec ayant un pouvoir éclairant de vingt bougies. Toutes les installations paraissent faites dans de bonnes conditions tous les tuyaux de canalisations ont été éprouvés. Le traité passé avec la Société des carbures métalliques pour quinze ans, renouvelables pour quinze années. La mise en service aura lieu dans quinze jours au plus tard ».

Ouveillan, rue de la Grangette, à gauche, la maison est l'ancienne usine d'acétylène. je me rappelle que ce bâtiment était à l'abandon quand j'étais petite. Nous y étions rentré et il y avait encore des machines, les gazomètres?

Dans une autre revue nationale, la "Revue générale de chimie pure et appliquée" datée de mars 1900 un article indique que « depuis mai 1898, la ville d'Ouveillan est éclairée à l’acétylène. L'usine possède deux générateurs à chute de carbure de l'eau et deux gazomètres de 20 mètres cubes chaque. Le gaz est vendu aux établissement municipaux à raison de 2 fr. 50 le mètre cube et 3 fr aux particuliers. L'éclairage public est de 70 becs et les abonnés sont au nombre de 75».

Dans "Le journal de l'acétylène et le petit photographe réunis" du 17 juin 1900, sous le titre « éclairage d'une ville par le gaz acétylène »,
« Voici qu'une nouvelle ville, celle d'Ouveillan, dans le département de l'Aude et près de Narbonne, vient d'adopter le gaz acétylène pour un éclairage public et privé. Le gaz est vendu aux établissements à raison de 2fr.50 le mètre cube et aux particuliers à raison de 3 francs ; l'éclairage public se paie 0fr04, le bec-heure. Les becs employés sont des becs à flamme conjuguée et à mélange d'air. Comme la ville compte trois mille habitants environ, l'installation est de quelque importance. L'usine productruce contient deux générateurs à chute de carbure dans l'eau et deux gazomètres de 20 mètres cubes chacun relié à la canalisation prinicpale par une conduite munie d'un siphon. Au sortir des gazomètres, l'actétylène se rend à un compteur et, de là, passe à un régulateur de pression. La canalisation, constituée en tuyaux de fonte et de plomb, est d'une longueur de 4 kilomètres environ. L'éclairage public compte actuellement 70 becs et les abonnés sont au nombre de 75. Ceux-ci se servent de compteurs analogues aux compteurs à gaz de houille».

Combien de temps ce système d'éclairage a existé à Ouveillan ? J'ai pour l'instant du mal à savoir. Les documents aux archives départementales pour l'usine d'acétylène d'Ouveillan sont datés de 1897 à 1904. Je pense, en regardant les cartes postales anciennes des années 1900, que le village est très vite passé à l'éclairage électrique, puisque des globes d'éclairage alimentés par des câbles électriques figurent sur les cartes postales de l'avenue de Saint-Chinian ou du Boulevard Carnot.


Les archives départementales de l'Aude disposent, sous la côte 2O4 et 5M319, des documents sur l'usine d'acétylène qu'il me reste à aller dépouiller pour compléter cet article.

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